index - Revue de linguistique latine du centre Ernout N°1, Décembre 2008 Accéder directement au contenu

La négation en latin


La négation est un phénomène complexe qui ne se laisse enfermer dans aucune grille de lecture unique : elle relève à la fois des domaines morphologique (morphème autonome ou lié), logique (la négation opérateur logique inverseur), syntaxique ou sémantico-syntaxique (portée et incidence de la négation, négation de phrase, de proposition, de syntagme verbal, de constituant), énonciatif et pragmatique (négation polémique vs négation descriptive). Il s’avère donc fructueux d’y jeter un regard « transversal ».
C’est dans cette approche multiple que se situent les travaux publiés dans ce numéro 1 de la revue. Ils représentent les actes de l’atelier n°7 du GDR 2650 et du Centre A. Ernout « La négation en latin », qui s’est tenu le 6 octobre 2007 à Paris 4 - Sorbonne.Les études qui suivent se proposent de transcender clivages et cloisonnements, d’adopter simultanément ou successivement plusieurs points de vue et de suivre la continuité temporelle de certains comportements linguistiques.
Christian Touratier offre un panorama de la façon dont les grammaires traitent de la « portée » de la négation. La transposition dans le domaine proprement linguistique d’une notion issue de la logique donne lieu à des approches très diverses depuis Klima, en passant par Heldner, jusqu’à Muller, Nølke et Orlandini, pour le latin.
Claude Muller établit, à travers des comportements similairesdans diverses langues (gascon, breton, basque), que la négation occupe une place ntermédiaire et variable entre niveau propositionnel et niveau énonciatif : l’opérateur négatif n’est pas le symétrique énonciatif d’une particule affirmative ; au contraire, il a tendance à neutraliser ou occulter la diversité des marquages énonciatifs.
Michèle Fruyt dresse deux tableaux complémentaires : le premier illustre le phénomène de la grammaticalisation à travers la constitution de négations complexes dans les langues indo-européennes et en particulier en latin : nōn, nēmō, nihil, etc. La seconde étude porte sur la négation nē, laquelle apparaît renforcée de diverses manières, notamment sous les formes nē … quidem, nēquam ou nēquīquam.
C’est la place et le jeu des divers constituants par rapport au noyau prédicatif (en l’espèce négation, interrogation, circonstanciels de cause et de manière) qui est au centre de l’étude de Frédérique Fleck.
Anna Orlandini et Paolo Poccetti, dans une visée à la fois contrastive à l’intérieur des langues italiques (latin et osque) et diachronique en aval du latin, détectent, à partir d’une étude des quantifieurs indéfinis à négation incorporée ou à polarité négative, les prémices, en osque et en latin « parlé » tardif, de l’évolution qui conduira à la généralisation des énoncés à double négation cumulative, qui est de règle dans les langues romanes.

Participants à l’atelier :


André Aurélie (Paris 4), Bodelot Colette (Clermont-Ferrand), Bortolussi Bernard (Paris 10), Brachet Jean-Paul (Paris 4), Duarte Pedro (Paris 4), Fleck Frédérique (ENS-Ulm), Fruyt Michèle (Paris 4), Martzloff Vincent (Lyon 2), Morel Aude (Paris 4), Moussy Claude (Paris 4), Muller Claude (Bordeaux), Orlandini Anna (Toulouse 2), Petersmann Astrid (Heidelberg), Poccetti Paolo (Rome 2), Taous Tatiana (Paris 4), Touratier Christian (Aix-Marseille 1), Valdivieso-Montero Alfred (Barcelone), Van Laer Sophie (Nantes).

Table des matières


MULLER Claude : « La négation, opérateur transversal dans la construction des énoncés », p. 1-21.
TOURATIER Christian -1 : « La portée de la négation ? », p. 22-53.
TOURATIER Christian-2 : « ‘Négation de phrase’ vs ‘Négation de constituant’ d’après l’article d’Edward S. Klima, Negation in English. », p. 54-70.
FRUYT Michèle -1 : « Négation et grammaticalisation en latin. », p. 71-114.
FRUYT Michèle -2 : « Origine de la négation nē dans nē … quidem, nēquam, nēquīquam. », p. 115-134.
FLECK Frédérique : « Interrogation sur la manière, interrogation sur la cause et négation : existe-t-il des interrogations négatives portant sur la manière ? », p. 135-141.
ORLANDINI Anna & POCCETTI Paolo : « Quel statut pour le latin quisquam et l’osque pídum ? », p. 142-160.
Compte rendu : par Bernard BORTOLUSSI, p. 161-162 :
Renato ONIGA, Il latino. Breve introduzione linguistica, 2e éd., 2007, Milano, FrancoAngeli, 323 p.